jeudi 20 août 2020

Couleurs gitanes avec Denis Carnavali

 Couleurs gitanes, août 2020 avec Denis Carnavali 


Extrait :


Récit d’un voyageur
 
Sur l’à-pic où soudain je m’étais égaré,
Par les musiciens d’un air mystérieux
Parce qu’ils savaient, de ma démence curieux,
Me voilà vers l’ailleurs enfin réorienté.
Ils portaient un vieux cymbalum, et parmi eux
Me fixa l’ironie d’une étrange beauté.
En barque cheminant au fond d’un terrain vague,
S’encastre sous une dalle un ancien bassin.
Le guide sur le pas nous salue d’une blague.
Et les êtres gris au regard arachnéen
Dans la pénombre en rampant tels des singes morts,
Dont il ne fallait pas trop croire en l’existence,
S’empressaient sur les eaux, sur les ponts, sur les bords.
Alors, en un concert de grincements rouillés
Quand se leva l’écluse d’une trappe immense,
Vers le monde des dieux fûmes-nous emportés ?

                                                   Joël Gissy


Lecture de poésie à Sète, août 2020

 Lecture de poésie à Sète, août 2020 



Extrait :

 Dialogue onirique


Le désir du Néant a conduit plus d’un homme

A songer, or que le sommeil ne venait pas,

Aux infinies douceurs de son propre trépas.

Les voluptés de l’oubli s’ouvrent parfois comme


Une naissance à un autre univers conscient.

-Car c’est seulement lorsque l’on ne veut plus être,

Que l’on est réellement.- Ainsi déficient,

Je descendis malgré moi dans le gouffre traître,


Comme nageant parmi les laves corrosives,

Tandis que ma chair fondue semblait me quitter

A mesure que j’allai par l’immensité

D’un cratère où m’englobaient, formes primitives,


Les cercles mystérieux de la métempsycose.

Par delà les épais manteaux d’or et de braise,

En des cavernes où l’esprit, mal à son aise,

Parmi des limbes argentés se décompose,


Je plongeai en proie à une harmonie immonde.

Tout n’était que notes et rythmes affolés,

D’un agencement trop dément pour notre monde

Ainsi qu’un clavecin en spasmes effilés,


Plus éloquent que les stances d’Anacréon,

Ou tel un orgue au ventre en spire interminable

Pliant l’espace-temps comme un accordéon.

Alors je devinai l’Enorme abominable,


Au milieu de cette étrange cacophonie :

Etait-ce un fœtus, un monstre céphalopode ?

La forme inachevée, anormale et honnie

D’une phalène dont la vague angoisse rode ?


Je ne sais précisément ce que nous nous dîmes,

Conversant en esprit au fond des noirs abîmes,-

Mais cette rêverie sublime, or que j’oublie,

Me laisse à cet instant comme une nostalgie.


                                      Joël Gissy