vendredi 27 novembre 2020

Mythe d’un alphabet proto-cananéen

 
Mythe d’un alphabet proto-cananéen,
Le Taureau céleste en poisson astronomique
Plonge, au tour du Delta, dans la porte atlantique.
Mais par les détours d’une roue kabbalistique,
Tel un serpent océanique égyptien
Bras levés, retourne à la croix l’oiseau humain.
L’homme se lève et crie son appel pathétique
Puis retombe accroupi comme un reptile ancien.
 
Joël Gissy 

dimanche 22 novembre 2020

Récit d'un voyageur

 

Récit d’un voyageur

Sur l’à-pic où soudain je m’étais égaré,
Par les musiciens d’un air mystérieux
Parce qu’ils savaient, de ma démence curieux,
Me voilà vers l’ailleurs enfin réorienté.
Ils portaient un vieux cymbalum, et parmi eux
Me fixa l’ironie d’une étrange beauté.
En barque cheminant au fond d’un terrain vague,
S’encastre sous une dalle un ancien bassin.
Le guide sur le pas nous salue d’une blague.
Et les êtres gris au regard arachnéen
Dans la pénombre en rampant tels des singes morts,
Dont il ne fallait pas trop croire en l’existence,
S’empressaient sur les eaux, sur les ponts, sur les bords.
Alors, en un concert de grincements rouillés
Quand se leva l’écluse d’une trappe immense,
Vers le monde des dieux fûmes-nous emportés ?
 
                                                     Joël Gissy 
 
https://joelgissypoesie.blogspot.com/p/les-recueils.html



lundi 16 novembre 2020

La Mort de Clarimonde

 
La Mort de Clarimonde
 
1.
 
Le ruisseau pâle écumait ainsi que la frange
En réseau d’opale écru sous la lune rousse,
Des nuages les fins rubans de cheveux d’ange,
Effilés parmi l’écran bleu de la nuit douce.
 
Et ce brouillard parfumé de mousse et d’oronges,
Blanchâtre en ondulant, semblait la pépinière
D’un village endormi peuplé de mornes songes.
Puis, le flot s’épandait au proche cimetière
 
Parmi le végétal enchevêtré des stèles,
Comme un serpent sans fin dont les boucles mortelles
Etreignaient ce mirage étrange et vampirique.
 
Car ce chaos que baignait un remugle immonde,
Epanché par la brume, empourprait à la ronde
Un caveau qu’irisait un courant tellurique.
 
2.
 
Etouffée par la soie de son coussin violet,
Pareil à la paupière endormie d’une goule,
Cependant que sa chevelure d’or s’enroule
Dessus le frais satin d’une gorge de lait,
 
On voit frémir un pieu, perçant ce corps si grêle,
A l’éclat faiblissant des rayons de la lune.
Ses larmes, vermillon, s’écoulent une à une,
Et or qu’un prêtre pieux à ce rythme martèle
 
La poitrine où palpite un sanglot sans chaleur,
Etreignant son linceul d’une main diaphane,
Le pauvre être grelotte en perdant sa couleur.
Au calvaire empalée d’un sacrement profane,
 
Ainsi qu’un papillon agrafé sur sa planche,
La petite amoureuse agonise en tremblant.
Et pourtant ! que de grâce obscure en ce sein blanc
Où perle une toison dorée jusqu’à la hanche.
 
Son fin cil bat de l’aile, et tandis qu’elle expire,
Renaissant aux cieux des peines rituelles,
Artisan consciencieux des voies spirituelles,
Le cruel Sérapion contemple la martyre,
 
En un rire infernal, de sa lubricité.
Cependant, le mignon visage, en un sommet
De splendeur angélique, humblement, se soumet,
Simple envol, au flétrissement de sa beauté.
 
                                                        Joël Gissy  
 
 
Extrait de mon recueil Noctifer - Le porteur de nuit