Apéritif poétique au Lazaret de Sète, août 2015.
Les Halieutiques de Delphes
Dans les couloirs d’un temple où les dauphins s’ébattent,
Qui donne sur la mer d’un bleu vésuvien
Pénétré par le ciel rose aux moiteurs timides
Qu’arrosent caverneux leurs rires qui éclatent,
Deux sirènes hybrides, montées du bassin,
S’enlaçant guident parmi ces canaux limpides
L’étranger que caresse un ballet chimérique.
Il s’abandonne au son de trompes et de conques,
Etranges, comme émanées d’invisibles jonques !
Et porté par ces flots en leur grotte aquatique,
Nageant tel un centaure, l’autre explorateur
Contemple des dieux philistins sous cette crique
Que balaie sa mémoire en un éveil trompeur.
Joël Gissy
Au Domaine de Beaupré à Guebwiller
Conscience végétale
D’un lac souterrain où sommeillent des ondines
Forêt vivante obscurément dont les racines,
Démultiplication d’un fin réseau de nerf,
Mouvantes se souviennent, inversées dans l’air,
Temple secret qui, flots en rideaux, et colonnes
De stalactites se joignant aux stalagmites
Sous la voûte de cristaux et de fluorites,
Vers un soleil enfoui se déploient leurs neurones.
Cherchant son passage ainsi qu’un peuple de vers,
L’Arbre Yggdrasil croît vers le centre en tissus pâles,
Des troncs noueux qui s’enflent ainsi que des chairs
Enchevêtrées d’allées et venues animales.
***
Attendrissement
Je suis pareil à ces hippocampes d’Ilion,
Qui par milliers, amicaux, vont voir les plongeurs
Parmi l’espace scintillant des profondeurs,
Et meurent soudain à la première émotion !
Avant de remonter, triste nuée de corps,
Les petits équidés, mignons et pleins de grâce,
Font un ballet aquatique, et plus d’un embrasse
Du bout de sa trompe aimable, en ces beaux décors,
Le curieux qui les trouble, et l’aime et l’accompagne.
Alors, vers la lumière ondoyante il regagne,
Porté par l’écume oublieuse aux plages claires,
La vaste éternité dont à peine affleurait
Ces myriades de consciences élémentaires
Dont s’éteint en un souffle indistinct le secret.
Joël Gissy