Le ruisseau pâle écumait ainsi que la frange
En réseau d’opale écru sous la lune rousse,
Des nuages les fins rubans de cheveux d’ange,
Effilés parmi l’écran bleu de la nuit douce.
Et ce brouillard parfumé de mousse et d’oronges,
Blanchâtre en ondulant, semblait la pépinière
D’un village endormi peuplé de mornes songes.
Puis, le flot s’épandait au proche cimetière
Parmi le végétal enchevêtré des stèles,
Comme un serpent sans fin dont les boucles mortelles
Etreignaient ce mirage étrange et vampirique.
Car ce chaos que baignait un remugle immonde,
Epanché par la brume, empourprait à la ronde
Un caveau qu’irisait un courant tellurique.
Etouffée par la soie de son coussin violet,
Pareil à la paupière endormie d’une goule,
Cependant que sa chevelure d’or s’enroule
Dessus le frais satin d’une gorge de lait,
On voit frémir un pieu, perçant ce corps si grêle,
A l’éclat faiblissant des rayons de la lune.
Ses larmes, vermillon, s’écoulent une à une,
Et or qu’un prêtre pieux à ce rythme martèle
La poitrine où palpite un sanglot sans chaleur,
Etreignant son linceul d’une main diaphane,
Le pauvre être grelotte en perdant sa couleur.
Au calvaire empalée d’un sacrement profane,
Ainsi qu’un papillon agrafé sur sa planche,
La petite amoureuse agonise en tremblant.
Et pourtant ! que de grâce obscure en ce sein blanc
Où perle une toison dorée jusqu’à la hanche.
Son fin cil bat de l’aile, et tandis qu’elle expire,
Renaissant aux cieux des peines rituelles,
Artisan consciencieux des voies spirituelles,
Le cruel Sérapion contemple la martyre,
En un rire infernal, de sa lubricité.
Cependant, le mignon visage, en un sommet
De splendeur angélique, humblement, se soumet,
Simple envol, au flétrissement de sa beauté.
Joël Gissy
Extrait de mon recueil Noctifer - Le porteur de nuit