lundi 4 août 2025

Egarement féerique


Egarement féerique

En ces boyaux sans voûte aux pierres descellées,
Où par endroits lézardent d’étroits escaliers
Le long de murs brisés aux pans irréguliers,
Trompe-l’œil de portes en secret recelées,

Je sens, lorsque le soir ténébreux et voilé
Recouvre et dissimule ainsi qu’un noir suaire
Le sillon destructeur des climats, enlevé
Par un vent frais et fort, chevauchée séculaire,

Revivre dans mon sang qui palpite, un écho
D’idéal noble et pur des temps chevaleresques
Qu’en mon esprit des trompettes de Jéricho
Font sonner puissamment de leurs accords tudesques.

Dans la nuit silencieuse où flotte un brouillard lourd,
Une lueur, soudain, dans l’air humide et sourd
S’épand, troublante et mince, telle une ouverture.
Vers la sylve enchantée de gloire et d’aventure,

Je découvre un obscur et tortueux sentier.
-Entendez-vous au loin, chevaliers valeureux,
Qui hurle dans la brume au pas d’un frêne creux,
La sorcière des bois au groin de sanglier ?

Sa face brune halée par un terreau malsain
Se crispe en un rictus affable et pathétique
Pour vous inviter tous à sa fête lubrique :
« Venez, doux paladins, en mon frais souterrain

Qu’embroussaille un rideau chevelu de racines,
Goûter aux voluptés sauvages et divines
De mon corps décharné. »
                                           Le tumulte blanchâtre
Des chutes seulement retentit, or qu’un pâtre

Attardé sur la rive aux flots crépusculaires
De sa flûte âpre siffle une ancienne romance.
Un guerrier dormant àson roc recommence
Les mêmes tours sempiternels et solitaires.

Joël Gissy


Noctifer, Le porteur de nuit, BoD, 2014

samedi 26 juillet 2025

Scrupulus


Scrupulus

Le sacrifice arde au jour antépénultième,
Tel un soleil stagnant d’un reflet léonin.
Se scinde la sphère ainsi qu’en son cube un chrême
Déployé royalement dans une main,
Comme une rose en pentagone prismatique.
L’hypostase amplifie l’hypothèse des hontes,
Ecrasant la conscience en effort pathétique.
Bourdonne l’essaim mélodieux des Archontes,
Abaissant les couleurs de sa vibration
Jusqu’à la lourdeur de la réification.

                         Joël Gissy


Le Songe du Fou de pique


Le Songe du Fou de pique

Dans une forêt vert-luisante,
Court, gloussant, un petit ruisseau
Qui scintille, eau phosphorescente.
Mon rêve en son lit va d’îlot
En rocaille, intrusant un monde
Parallèle ainsi d’une porte
Féerique en charmille profonde.
Passée, sèche la maison morte,
Par des contrées en filigrane
Que mon exploration profane.

                      Joël Gissy






Le Chant des Sirènes


Le Chant des Sirènes


Epousent les naufragés des Mermaids delphiques,
Cunéiforme, les Danaïdes celtiques.
Les momies songent des pyramides guanches ;
L’alchimiste lit de sa pomme d’or les tranches.


                     Joël Gissy

                                                    Les Coquecigrues, BoD, 2017


vendredi 25 juillet 2025

La Mort physique


La Mort physique

J’habite quelquefois une morne masure
Bordée de hauts sapins au coin d’une clairière.
Tout près stagne un étang, ou est-ce une rivière ?
Aux berges embourbées. On pêche le silure.
Des monstres somnolents, au corps lisse et noirâtre,
Se meuvent avec lenteur tels de grands mollusques
Et en masse inquiétante, chimères étrusques,
Affleurent par milliers de ce marais saumâtre.
C’est un chalet bizarre à forme danubienne,
Avec une terrasse accueillante et rustique,
Une table de ferme, une horloge d’ébène,
Et puis une mansarde où le plancher s’élève
En un dédale obscur de mine fantastique
Où l’on accède à toutes les contrées du rêve.
Mais dans une remise, à l’entrée du grenier,
Parmi tout un fouillis suranné de brocante
Qu’éclaire un lampadaire du siècle dernier,
Inexplicablement, diffuse et émouvante,
Flotte ainsi qu’une ambiance une onde d’épouvante,
Semblable à celle que doit sentir un voleur
Un soir frileux qu’il cambriole sans pudeur
De vieilles personnes qui dorment à côté.
Ai-je dans mon sommeil, sans le vouloir peut-être,
Profané les secrets d’un temple d’Astarté ?
Existe-t-il ailleurs, en un monde onirique,
Des couloirs invisibles où l’esprit pénètre
Dans une atmosphère limpide et vampirique,
Et des dieux inquiétants clapotent dans la fange ?
Je ne sais pas quand m’est venu ce songe étrange,
Mais je suis convaincu que j’y retournerai,
Et sans doute n’en reviendrai-je plus. Qui sait ?

                                 Joël Gissy

Noctifer, Le porteur de nuit, BoD, 2014