Egarement féerique
En ces boyaux sans voûte aux pierres descellées,
Où par endroits lézardent d’étroits escaliers
Le long de murs brisés aux pans irréguliers,
Trompe-l’œil de portes en secret recelées,
Je sens, lorsque le soir ténébreux et voilé
Recouvre et dissimule ainsi qu’un noir suaire
Le sillon destructeur des climats, enlevé
Par un vent frais et fort, chevauchée séculaire,
Revivre dans mon sang qui palpite, un écho
D’idéal noble et pur des temps chevaleresques
Qu’en mon esprit des trompettes de Jéricho
Font sonner puissamment de leurs accords tudesques.
Dans la nuit silencieuse où flotte un brouillard lourd,
Une lueur, soudain, dans l’air humide et sourd
S’épand, troublante et mince, telle une ouverture.
Vers la sylve enchantée de gloire et d’aventure,
Je découvre un obscur et tortueux sentier.
-Entendez-vous au loin, chevaliers valeureux,
Qui hurle dans la brume au pas d’un frêne creux,
La sorcière des bois au groin de sanglier ?
Sa face brune halée par un terreau malsain
Se crispe en un rictus affable et pathétique
Pour vous inviter tous à sa fête lubrique :
« Venez, doux paladins, en mon frais souterrain
Qu’embroussaille un rideau chevelu de racines,
Goûter aux voluptés sauvages et divines
De mon corps décharné. »
Le tumulte blanchâtre
Des chutes seulement retentit, or qu’un pâtre
Attardé sur la rive aux flots crépusculaires
De sa flûte âpre siffle une ancienne romance.
Un guerrier dormant àson roc recommence
Les mêmes tours sempiternels et solitaires.
Des chutes seulement retentit, or qu’un pâtre
Attardé sur la rive aux flots crépusculaires
De sa flûte âpre siffle une ancienne romance.
Un guerrier dormant àson roc recommence
Les mêmes tours sempiternels et solitaires.
Joël Gissy
Noctifer, Le porteur de nuit, BoD, 2014