vendredi 25 juillet 2025

La Mort physique


La Mort physique

J’habite quelquefois une morne masure
Bordée de hauts sapins au coin d’une clairière.
Tout près stagne un étang, ou est-ce une rivière ?
Aux berges embourbées. On pêche le silure.
Des monstres somnolents, au corps lisse et noirâtre,
Se meuvent avec lenteur tels de grands mollusques
Et en masse inquiétante, chimères étrusques,
Affleurent par milliers de ce marais saumâtre.
C’est un chalet bizarre à forme danubienne,
Avec une terrasse accueillante et rustique,
Une table de ferme, une horloge d’ébène,
Et puis une mansarde où le plancher s’élève
En un dédale obscur de mine fantastique
Où l’on accède à toutes les contrées du rêve.
Mais dans une remise, à l’entrée du grenier,
Parmi tout un fouillis suranné de brocante
Qu’éclaire un lampadaire du siècle dernier,
Inexplicablement, diffuse et émouvante,
Flotte ainsi qu’une ambiance une onde d’épouvante,
Semblable à celle que doit sentir un voleur
Un soir frileux qu’il cambriole sans pudeur
De vieilles personnes qui dorment à côté.
Ai-je dans mon sommeil, sans le vouloir peut-être,
Profané les secrets d’un temple d’Astarté ?
Existe-t-il ailleurs, en un monde onirique,
Des couloirs invisibles où l’esprit pénètre
Dans une atmosphère limpide et vampirique,
Et des dieux inquiétants clapotent dans la fange ?
Je ne sais pas quand m’est venu ce songe étrange,
Mais je suis convaincu que j’y retournerai,
Et sans doute n’en reviendrai-je plus. Qui sait ?

                                 Joël Gissy

Noctifer, Le porteur de nuit, BoD, 2014

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